À propos

Introduction

En 2013-2014, apparaissent sur les réseaux sociaux et notamment Instagram, les premiers dessins réalisés avec l'aide d'un tracker gps. Les productions arrivent en majorité des État-Unis, sans doute parce que la topographie des villes offre un grand choix de lignes, façon pixel art.

Quelques éléments de contexte :

  • Généralisation de la 4G
    2010 - États-Unis
    2013 - France
  • Naissance des applications de training sportif dédiées à la course à pied
    2006 - Nike+
    2007 - Endomondo > racheté par Under Armor > 2015
    2008 - Runkeeper > racheté par Asics > 2016
    2009 - Strava
    2010 - Runtastic > racheté par Adidas > 2015
  • Montres connectées
    2003 - 1ère montre Garmin Forerunner
    2014 - 1ère Apple Watch
  • Services de cartographie en ligne
    2004 - OpenStreetMap
    2010 - Mapbox

 

C'est avec la combinaison de facteurs technologiques et l'agilité des équipementiers sportifs, que la course à pied connait un regain d'intérêt au début des années 2010. De nouveaux usages voient le jour. Le smartphone offre de nouvelles expériences aux cyclistes, aux randonneurs et aux coureurs de fond. Que ce soit pour suivre leurs performances et ajuster leur entraînement - très vite, les applications proposent ces ajustements au regard des statistiques tirées des historiques - ou que ce soit pour mémoriser le kilométrage précis de leurs parcours mais surtout, et c'est la grande nouveauté, pour partager leurs sorties sur les réseaux sociaux. Ces activités de plein air, largement pratiquées en solo, en dehors des clubs, trouvent avec le sharing le moyen de créer une forte émulation entre leurs pratiquants.

 

Assez rapidement, des bootcamp urbains voient le jour. Au premier rang des organisateurs de ces clubs d'athlétisme nouvelle génération : Reebok. Sans doute l'équipementier, racheté par Adidas en 2005, doit-il entretenir l'émulation qui enflamme la toile et encourager un sharing toujours plus fun pour sortir la course à pied de son côté "sport d'endurance". Quoiqu'il en soit, la boucle est bouclée. Si Marathon Man n'avait besoin que d'une paire de Stan Smith et d'un short pour se dépasser, le coureur de fond des années 2010 évolue dans une communauté connectée et prend aussi plaisir à courir en meute, selfies à l'appui.

 

Le Running Drawing

C'est dans ce contexte qu'une poignée de sportifs trouvent plus intéressant de partager leurs traces gps que le nombre de calories perdues ou le poids des kilomètres parcourus.

À ma connaissance, le pionnier du Running Drawing est un japonais amoureux. En 2008, Yasushi Takahashi parcourt plus de 7000 kilomètres à travers le Japon pour écrire dans Google Maps sa demande en mariage. Sa performance est enregistrée au Livre Guiness des Records en 2010.

C'est le mot-dièse Running Drawing qui est adopté en France mais les terminologies sont en réalité nombreuses. On parle plus généralement de gps art, gps drawing, gps doodle ou gps artistry. De 2013 à 2018, la communauté d'artistes qui livre régulièrement des productions compte une vingtaine de personnes. C'est en octobre 2018, par l'intermédiaire de l'athlète-influenceuse Marine Leleu, qui dessine un requin de 50km dans les rues de Paris, que la pratique connaît un revival certain. Le grand public découvre le Running Drawing et des productions impressionnantes voient le jour, cette fois reprises dans les médias mainstream.

 

Mon projet psychogéographique

Assez rapidement, pour considérer qu'une trace gps est un Running Drawing, je fixe mes règles du jeu :

  1. Le dessin est réalisé d'une traite,
  2. En courant de bout en bout,
  3. Interdiction formelle de retravailler la ligne pour améliorer le dessin après l'arrêt du tracker gps,
  4. En cas d'erreur de direction, je juge de l'importance du défaut porté au dessin et je suis libre d'accepter ou non cette imperfection,
  5. En cas d'erreur importante ou de marche, le dessin est à reprendre à son point de départ,
  6. Toutes les performances sont enregistrées avec Endomondo, dont l'horodatage et la carte font foi.

 

Dans un second temps, ce projet que je poursuis depuis 2014 active une sorte de recherche-action qui se loge dans beaucoup de mes pensées, de mes actes et de mes lectures. Je m'inscris dans le prolongement du mouvement psychogéographique et je considère que le triptyque [corps en mouvement + espace urbanisé + satellite], est la nouvelle formule pour construire des situations affectives éphémères, ludiques et résolument fondées sur l'essai et l'échec, la dérive.

 

Photo (c) William Abitbol

Photo (c) William Abitbol

Tels sont donc les courants principaux dont s'occupe la psychogéographie (...) :

l'acte de l'errance urbaine, l'esprit du radicalisme politique, alliés à un sens ludique de la subversion et gouvernés par une enquête sur les méthodes par lesquelles nous pourrions changer notre relation à l'environnement urbain. Le projet psychogéographique est également teinté d'occulte, et il déterre le passé pendant qu'il enregistre le présent.

Extrait de l'Introduction de Psychogéographie ! Poétique de l'exploration urbaine, Merlin Coverley, 2006

 

(...) la compétition avec d'autres, que ce soit dans ma vie quotidienne ou dans mon travail de romancier, n'est pas le style de vie que je recherche.

Extrait de Autoportrait de l'auteur en coureur de fond, Haruki Murakami, 2009